Tout au long de la saison, le MHSC revisite l’année du titre de champion de France du club pailladin, à travers les témoignages des acteurs de l’époque. Aujourd’hui retour sur le MHSC vs Olympique Lyonnais du 14 janvier 2012, avec Benjamin Stambouli. Comme toujours, ce dernier évoque avec beaucoup de franchise et d’émotion ce sacre et sa relation avec le club, sans éluder aucun sujet.
LE MATCH CONTRE LYON
Benjamin, en premier lieu, quel souvenir gardes-tu de cette rencontre face à Lyon du 14 janvier 2012 ?
Il faisait froid, le match était très serré mais nous avions gagné 1-0 Comme toujours, Lyon était une équipe costaud, solide, avec de grosses individualités, que ce soit Lloris dans les cages, Gonalons, Kallström ou bien encore Michel Bastos et Lisandro devant ; et beaucoup de joueurs de qualité. Pour résumer, c’était une sorte de machine qui, sans faire de bruit, finissait par ''te mettre 2-0 dans la tête'' comme ce fut le cas au match aller d’ailleurs (défaite du MHSC 2-1 à Gerland le 27 août 2011 NDLR). A La Mosson, nous avions fait un bon match en terme de contenu, les deux équipes s’étaient partagées à peu près la possession ; nous avions été dangereux, ils avaient su l’être aussi parfois, mais nous avions réussi à tenir tête comme il le fallait… Ensuite, comme souvent, sans faire de bruit, à force de travail et avec le talent d’Olivier Giroud devant, nous avions réussi à ouvrir le score avant de « fermer la boutique » et de remporter ces trois points. C’était un test de plus à passer et nous avions réussi à le faire.
Parler de cette rencontre face à Lyon, c’est aussi évoquer ta rencontre avec Louis Nicollin, juste avant le match, dans le vestiaire…
À l’époque, Younes Belhanda et Jamel Saihi étaient partis disputer la Coupe d’Afrique des Nations avec le Maroc et la Tunisie. Rémy Cabella et moi, nous étions leurs potentiels « remplaçants » entre guillemets dans le groupe. À ce moment-là, nous savions que le coach cherchait des renforts extérieurs pour pallier leurs absences et je vous avoue que ça « piquait » un peu. Au fond de moi, et je suppose que c’était pareil pour Remy… On se posait la question de savoir si le coach croyait vraiment en nous. Juste avant la rencontre, j’entends que Remy est convoqué dans la petite pièce qui jouxte le vestiaire et qui était à l’époque le bureau du Président. Je vois Remy en sortir et on me dit de rentrer et que le Président veut me voir. Honnêtement, j’ai vécu 4 saisons professionnelles à Montpellier et je pense que c’est la seule fois où j’ai été convié dans cette pièce (sourire). C’était particulier parce qu’on était jeune et il y avait un certain mythe autour de cette pièce où jamais personne n’entrait. J’y vais et le Président me dit : « Oh mon poulet, on aurait pu prendre des joueurs avec ces départs à la CAN mais on n’a pris personne, je n’ai pas voulu. Je crois en toi hein ? En plus, on joue contre Lyon… Alors là, aujourd’hui, tu vas montrer à tout le monde qui tu es. OK ? Je peux te faire confiance ? » J’ai répondu « Oui Président ». Et il m’a répondu : « alors vas-y ! » En sortant, on s’est regardé avec Remy et on s’est dit que c’était pour nous et qu’on n’avait pas le droit de le décevoir. Quand je suis sorti de là, j’étais un peu piqué parce que j’ai compris que le coach voulait vraiment recruter, mais j’étais aussi gonflé à bloc et je voulais rendre la confiance que le Président venait de me donner. Cependant, je tiens vraiment à préciser quelque chose vis-à-vis de René Girard : Aujourd’hui que j’ai un peu plus de bouteille, je dois reconnaître que si demain je suis entraîneur, que je sens qu’on est dans la course au titre et que j’ai deux joueurs importants qui partent à la Coupe d’Afrique des Nations, c’était normal quelque part qu’il demande de recruter même si, à l’époque, ça ne me plaisait pas. Je le comprends mieux aujourd’hui qu’à l’époque.
DU CENTRE DE FORMATION JUSQU’AUX PROS
Repartons quelques années plus tôt. Comment rejoins-tu le MHSC ?
Je suis arrivé à Montpellier à l’âge de 14 ans. C’était la première fois que je partais loin de ma famille. J’aurai une tonne de choses à dire pour évoquer cette époque. En arrivant, on se retrouve à l’institut, chez les sœurs, dans un environnement très strict, mais c’est le moment où le groupe se forme. C’est dans la difficulté que les gens se soudent. Ça a créé un noyau qui était capable d’aller très, très loin ensemble.
Oui et Remy Cabella aime bien la raconter d’ailleurs (sourire). Quand nos parents nous ont amenés pour faire la première réunion à l’institut, avant de nous laisser et de rentrer chez eux, Serge Delmas (alos Directeur du Centre de Formation NDLR) fait une petite blague en disant : « Vous nous laissez nos enfants, on va bien s’en occuper, ils vont bien travailler à l’école et, en plus, dans sept ans, ils joueront la Ligue des Champions ». Tout le monde avait rigolé et finalement, c’est ce qu’il s’est produit. Il avait été un petit peu visionnaire sur le coup mais j’avoue que cette anecdote là, c’est la spéciale Remy, donc je ne sais pas si j’avais vraiment le droit de la raconter (rires).
LA SAISON DU TITRE
Quand tu démarres cette saison du titre, tu es un peu le « super sub », capable de jouer au poste de milieu récupérateur, en défense centrale voire même au poste de latéral droit. Mais tu n’es que très rarement titulaire. Comment le vis-tu ?
La saison précédente, j’avais pas mal joué parce qu’il y avait eu des blessures et des suspensions… En revanche, au début de l’année du titre, il y en avait moins, donc, fatalement, je jouais moins. J’avais toujours cette mentalité de combattant, cette envie d’être sur le terrain, mais, honnêtement, j’étais frustré. Je trouvais qu’on ne me faisait pas assez confiance, et que le coach ne me laissait pas assez l’opportunité de lui montrer ce que je pouvais lui apporter sur le terrain… Par moments, c’était dur. Mais je savais aussi que la balle était dans mon camp et que, si je continuais à travailler, ma chance viendrait. Je devais me donner au maximum à l’entraînement et montrer tout ce que je pouvais faire lorsque j’avais l’opportunité de rentrer ne serait-ce que 10, 5 ou même une minute. Cet épisode m’a ensuite servi dans les moments les plus difficiles de ma carrière. Je me disais : « Tu travailles pour toi et ça va payer, il ne faut jamais baisser les bras. » Cette mentalité de guerrier, c’est quelque chose qu’on nous a appris dès notre arrivée au Centre de Formation, et cela a fini par payer puisqu’en deuxième partie de saison, j’ai beaucoup plus joué et pu exprimer mes qualités.
Comment le vestiaire vivait-il votre duel à distance pour le titre avec le PSG, qui était tout à fait inattendu ?
On ne réalisait pas vraiment en fait... Chaque épreuve qui se présentait à nous, on arrivait à la passer parce que notre force collective était extraordinaire. Ce groupe avait des qualités humaines hors du commun. Quand Jamel (Saihi) revient de la CAN et que j’ai enchaîné des matchs à sa place pendant son absence, je constate que son regard sur moi ne change pas et son attitude non plus. Je suis toujours le « Petit Benji » qu’il a connu au Centre, mais à aucun moment il ne change sa manière de me dire bonjour ou il ne me voit comme un concurrent. Il a toujours gardé cette même attitude. C’est le parfait exemple du fait que l’on pouvait vraiment compter les uns sur les autres. Younes (Belhanda) savait que s’il n’était pas là, il y avait Rémy (Cabella) pour le suppléer, quand Henri Bedimo avait besoin de souffler, Cyril Jeunechamp sortait du bois, Marco Estrada savait que j’étais là aussi en cas de pépin… On avait une équipe au sens noble du terme. Collectivement, c’était vraiment du lourd.
Il est là le secret du titre de Champion de France du MHSC ?
Je pense que oui. On avait tous du talent, bien sûr, mais c’est cette force collective qui nous a permis d’aller au bout. C’était l’âme du club ; quelque chose d’indescriptible qui était insufflé par les Présidents qui prônaient la solidarité et le travail comme élément de base. Dans le vestiaire, Pascal Baills était le garant de cet état d’esprit, il ne nous lâchait jamais là-dessus… René Girard avait aussi ce truc de « mentalité sudiste »… C’était un truc de fou ! Quand on jouait à domicile, le coach disait souvent : « Les mecs qui viennent jouer contre nous à la Mosson, ils ne vont pas venir manger le bifteck dans notre assiette ! » Ce sont des phrases qui restent et que je n’ai jamais entendu ailleurs.
L’autre réussite, c’est aussi la cohabitation entre les anciens et les jeunes de la génération 1990 dont tu faisais partie avec Younes Abde Remy…
Ce mix là avait été parfaitement réussi. Le plus surprenant, c’est que cet aspect générationnel était même délimité géographiquement dans le vestiaire avec les jeunes du centre et les jeunes tout court d’un côté, et les plus anciens de l’autre. En voyant ça, on pouvait même se dire que c’était typiquement l’équipe où il pouvait y avoir de clans… et pourtant il n’y en avait pas ! Il y avait deux entités marquées mais qui s’entendaient à merveille. Nous, les jeunes, avions une très grande confiance en les anciens, on écoutait beaucoup leurs conseils, on ne se prenait pas pour d’autres, on les respectaient parce qu’on nous avait appris ça au centre. Ça ne voulait pas dire « s’écraser » ça voulait dire les respecter. Mais d’un autre côté, à l’entraînement, on ne se faisait pas de cadeau, ça mettait des tampons, mais toujours dans le respect. De leur côté, on sentait que les anciens étaient vraiment heureux de voir qu’il y avait une génération qui poussait derrière, qui avait « la dalle », qui ne se prenait pas pour d’autres et qui était capable d’apporter un plus à l’équipe.
Ça fait quoi de vivre un titre de champion de France avec des joueurs avec lesquels tu as grandi au centre de formation ?
C’est irremplaçable. Je pense que je pourrai jouer dans 112 autres clubs, je ne retrouverai jamais ça. Ce sont des liens qui restent à vie… alors aller au bout d’un titre de champion de France avec eux, c’est quelque chose d’encore plus fort ! Tu vis le summum avec des gens avec qui tu as démarré. Qu’est-ce que tu veux de plus ? Et puis, on ne s’en rend pas forcément compte sur le coup, mais tous les joueurs ne gagnent pas un titre dans leur carrière.
Chose rare, la route du sacre est marquée par une photo de joie contre Lille, indissociable de ce sacre, dont tu es un des acteurs principaux..
Lille c’était du lourd aussi (sourire)… Je me souviens que j’avais Eden Hazard dans ma zone ce jour là, je vous garantis que c’était très, très fort. Sur ce match, on souffre, on tient, « mentalité Paillade », on y croit jusqu’au bout et on finit par marquer ce fameux but… Après c’est indescriptible. Je cours vers l’attroupement, Mapou (Yanga-Mbiwa) saute devant moi et je crois que je saute par-dessus… Là, tu te retrouves dans un autre monde…. D’ailleurs, il ne faut pas se tromper : La joie était immense, mais absolument pas parce qu’on avait la certitude de remporter le titre. La joie était immense parce qu’on se qualifiait officiellement ce jour là pour la Ligue des Champions grâce à cette victoire. C’est pour ça qu’ensuite on fait une telle fête devant nos supporters. Pas parce qu’on se croyait déjà champion, loin de là. Au fond, on se disait : « Champions, on va voir, on en parlera demain matin, mais on va d’abord fêter la qualification pour la Ligue des Champions » et c’est ce que nous avons fait, notamment lorsque le Président est venu parler aux supporters avec le micro et que nous avons communié avec eux ensuite. Il ne fallait pas croire que, même si nous n’étions pas favoris pour le titre et que rien ne nous faisait peur, que nous n’avions pas de pression, au contraire. On savait que la Place de La Comédie était pleine à craquer, on savait que si on perdait ce match face à Lille, le titre était compromis… donc, à un moment donné il fallait que ça sorte (sourire).Ce match contre Lille avec cette joie collective sur le terrain et avec nos supporters nous avait permis d’évacuer cette pression. Ce moment précis restera gravé à vie dans nos mémoires,.
LE MATCH DU TITRE à AUXERRE
10 ANS PLUS TARD
Je me dis que le temps passe très vite ! Au fond de moi, j’ai l’impression que c’était il y a à peine 3 ou 4 ans. En terme d’émotion, c’est le plus beau souvenir de ma carrière ; quelque chose qui est irremplaçable, qui est au-dessus de tout en terme de saison, de passion, de joie… On était « le Petit Poucet » qui avait réussi à battre le grand PSG. Grâce à ce titre, le club a pu construire un nouveau centre d’entraînement parce que l’argent a été bien géré et parce que les dirigeants n’ont jamais fait n’importe quoi aussi… ça a permis au MHSC de franchir un cap, même les bains froids dans des poubelles remplies de glaçons devant le vestiaire, c’était vraiment à fond la mentalité Paillade (éclat de rire).
Que dirais-tu au Président Laurent Nicollin, à Louis, même si il nous a malheureusement quittés, et aux supporters aujourd’hui, 10 ans après ?
Le premier mot qui me vient à l’esprit, c’est merci ! Avant de parler de football, je remercie le MHSC par rapport à ma vie en tant qu’homme parce que tout ce que la famille Nicollin a mis en place, a avant tout permis de former des hommes. C’est quelque chose qui n’a pas de prix. Il y a des clubs qui forment des joueurs en se disant : « S’ils ne passent pas, ils ne passent pas ; ce n’est pas grave. » Au MHSC, ce n’est pas comme ça. Il y a une prise en charge, un accompagnement et quand les parents confient leurs enfants, ils savent à qui ils les donnent. C’est très important. Aujourd’hui, l’homme que je suis, c’est grâce à ces gens-là qui ont pris soin de moi et de nous comme si nous étions leurs propres enfants. Concernant les Présidents, pour nous, « Loulou » c’était le Boss, j’ai une reconnaissance éternelle envers lui… mais celui à qui on parlait le plus, c’était Laurent.
Laurent était plus accessible, plus proche de nous au quotidien. L’écart générationnel était moins important aussi. Laurent était celui vers qui on se tournait quand on avait un problème. On savait qu’il était Président, et il a d’ailleurs pris aujourd’hui le relais de son père avec beaucoup de réussite ; J’en suis très content pour lui car il le mérite…il y avait un énorme respect aussi mais Laurent était notre relais. Il a eu une place extrêmement importante dans la conquête de ce titre de champion de France, même si il était plus dans l’ombre.
Concernant les supporters, je n’oublie pas que lorsque nous étions au Centre de Formation nous avions vécu la Ligue 2, nous venions assister aux matchs le vendredi soir. La période était difficile en termes de résultats, mais, malgré tout il y avait un groupe de supporters qui était là et qui faisait les déplacements aux 4 coins de la France pour suivre l’équipe. Quand on dit qu’un Pailladin ne lâche rien, c’est ça aussi et c’est aussi grâce à nos supporters, pour qui j’ai énormément de respect. C’est aussi pour cela que j’avais cette volonté de revenir cet été, parce que je voulais revivre ces moments-là et rendre à ce club une partie de ce qu’il m’avait donné. J’aurais tout fait pour que mon retour puisse se concrétiser ; je suis conscient que le club aurait tout fait aussi pour que cela se concrétise mais à un moment donné, il y a un contexte, et un timing qui en ont décidé autrement. C’est dommage mais c’est le destin, c’est comme ça… Je crois et j’espère qu’un jour on se retrouvera. Je ne sais pas quand, mais j’en suis persuadé.
Le quizz de ''Benji''
Son meilleur souvenir l’année du titre : « La victoire contre Lille et cette joie magnifique sur le but de Karim (Aït-Fana) et le sentiment de libération qui s’en est suivi. »
Le match le plus fou : « Le 2-2 à la Mosson 15 jours plus tôt contre Évian Thonon-Gaillard ».
Le match le plus difficile : « La défaite à l’aller contre Evian (4-2). Je me souviendrai toute ma vie de la gueulante de René Girard à la fin du match »
Le but qui l’a le plus marqué : « C’est difficile car il y en a beaucoup : celui de Karim contre Lille, le doublé de John Utaka à Auxerre… Mais je choisirai quand même le magnifique but de Younes Belhanda à Marseille. Il m’avait vraiment ‘’choqué’’ celui-là. »
Le match où il a commencé à croire au titre : « Lorsque nous avons fait 2-2 à Paris. C’était le gros test pour voir si on pouvait rivaliser avec eux et, au final, on se prend un but à la fin qui nous prive de la victoire et d’un magnifique exploit. Sur le match, on doit gagner ! C’est là que je me suis dit qu’on avec les armes pour lutter jusqu’au bout avec le PSG. »
L’anecdote qu’il n’a jamais osé raconter : « Il y en a plein que je ne peux pas raconter malheureusement (éclat de rire). Ça mettrait trop de gens dans l’embarras (rires). Je vais en choisir une qui est arrivée deux ans après le titre ; et elle concerne encore le Président Louis Nicollin. C’était avec Jean Fernandez, le début de saison avait été difficile, on se retrouve lors d’un déplacement à Valenciennes. C’était un match ‘’aux couteaux’’ on n’était pas très bien au classement. Je fais le discours d’avant match où j’exhorte mes coéquipiers et je mets le but qui nous permet d’égaliser à la fin (1-1 le 9 novembre 2013). Quand je rentre dans le vestiaire à la fin, le Président vient me voir, il me prend dans ses bras et me dit : ‘’Toi, tu as une sacré paire de couilles’’ Je ne l’oublierai jamais. »