Ancien grand espoir du foot français, Damien Le Tallec découvre la Ligue 1 Coforama cette année, à 28 ans, après un parcours aussi riche qu’escarpé. Récit tout en sincérité et retenue pour une trouvaille qui gagne à être connue.
Il fait partie de ces joueurs qui vous font aimer écrire, car derrière le joueur se cache un homme qui a une belle histoire à raconter. Celle de Damien Le Tallec ressemble à un tour du monde en ballon commencé à Poissy dans les Yvelines, là où il est né il y a 28 ans. Troisième d’une famille de 4 enfants, Damien découvre le foot au contact de ses 2 frères, de 3 et 6 ans son aîné (il a aussi une petite sœur). Le plus âgé d’entre eux, Anthony est même une vieille connaissance du football français puisqu’il avait rejoint Liverpool alors qu’il n’avait pas encore 18 ans. « Quand il a signé à Liverpool, j’allais passer toutes les vacances scolaires là-bas, raconte Damien. C’est un modèle pour moi. »
Il n’en fallait pas plus à Damien pour aiguiser une envie de passer footballeur professionnel déjà très présente. « Quand tu découvres ce club énorme qu’est Liverpool, tu n’as qu’une envie c’est de devenir professionnel toi aussi. » Et comme le talent, Damien n’en manque pas, son ascension est vite linéaire. Après les équipes de jeunes du Havre (de 5 à 15 ans), il est recruté par Rennes à 15 ans. Chez les Rouge et Noir, cet attaquant axial très fin techniquement remporte la Coupe Gambardella en 2008 avec une génération en or où figuraient entres autres Le Marchand, M’Vila, Pajot ou Brahimi. Auteur du 3e but de la victoire de son équipe en finale face à Bordeaux, Damien est alors promis à un avenir radieux, mais s’il signe son 1er contrat pro à 18 ans, sa première sortie en L1 se fait attendre. « Je m’entraînais avec les pros mais je n’ai jamais eu la possibilité de jouer, se souvient-il. Tous les jeunes qui étaient avec moi en sélection jouaient en pro et moi non. Ça a toujours été un rêve pour moi de faire mon premier match en L1 avec Rennes mais ça ne s’est pas concrétisé et à un moment donné il fallait prendre une décision. » Alors que les grands clubs d’Europe lui font les yeux doux, Damien opte finalement pour Dortmund qu’il rejoint à 19 ans. Il y dispute quelques matchs de Bundesliga, fait partie de l’effectif sacré 2 fois champion d’Allemagne et est également marqué par sa rencontre avec le coach du BVB (aujourd’hui à Liverpool), Jürgen Klopp. « C’est quelqu’un qui te parle tout le temps, de football mais pas uniquement. Il veut savoir ce qui se passe, si tu vas bien et après, sur le terrain, c’est un autre homme. J’ai beaucoup appris avec lui, se souvient-Il. J’ai passé des moments exceptionnels à Dortmund et je pense que si je n’avais pas connu 2 graves blessures à l’épaule qui ont freiné ma progression, j’aurais pu disputer plus de matchs là-bas. »
Après un bref passage de 5 mois à Nantes, Damien Le Tallec connait alors l’autre face du métier quand il passe du statut de grand espoir du foot français à celui d’oublié. « Je n’avais pas d’opportunités, tout simplement. Quand tu es blessé un certain temps, les clubs pensent que tu ne sais plus jouer au football. C’est compliqué à vivre mais si tu connais tes qualités tu sais que tu peux percer et faire de bonnes choses. Il ne faut pas lâcher, il faut juste prendre une autre route même si elle est plus compliquée. »
Cette route l’a alors mené au Hoverla Oujhorod, en Ukraine, où il a passé 2 ans. « Sans mental, tu ne peux pas jouer là où j’ai joué et habité en Ukraine. Je pense que sur 10 joueurs, neuf d’entre eux seraient rentrés au bout d’une semaine, les conditions d’entraînement, la ville… Même mon agent ne voulait pas que je reste. Moi je voulais juste jouer et montrer mes qualités. »
Pari gagné ! Repéré par le Mordovia Saransk, il passe ensuite 2 ans dans le championnat russe puis la même durée du côté de l’Etoile Rouge de Belgrade. « Je voulais rester en Russie qui est un super championnat avec de très bonnes équipes, je me sentais bien là-bas, mais mon club avait des problèmes financiers et m’a vendu à l’Etoile Rouge. J’ai vécu comme une histoire d’amour avec ce club. J’ai découvert une ville et un club magnifiques, j’ai été sacré 2 fois Champion de Serbie, j’ai vécu la Coupe d’Europe… L’engouement autour du club est extraordinaire. »
Mais l’envie de retrouver son pays a été la plus forte et la proposition montpelliéraine est arrivée à point nommé cet été. « J’avais fait presque 9 ans à l’étranger et je me sentais vraiment capable de jouer en L1 , dans mon pays, explique-t-il. Je voulais rentrer à la maison et le challenge montpelliérain m’a convaincu. C’est un club structuré, convivial, avec un bel effectif et en plus un beau cadre de vie. Nous sommes en haut du classement aujourd’hui et j’espère qu’on va y rester. »
Si le MHSC est en haut du classement aujourd’hui justement, il le doit en partie à son nouveau n°14 qui, s’il a reculé sur le terain depuis son passage en Russie (il ne joue plus attaquant mais n°6 ou défenseur), ne cesse d’enchaîner les belles performances. « Au départ, il fallait que je m’adapte que je rentre petit à petit car tu ne peux pas débarquer comme ça en L1. Le coach et le staff m’ont bien géré. J’ai bien commencé mais je pense que je peux faire encore mieux. Cela dit, si ça fonctionne bien pour moi, je le dois aussi beaucoup à mes coéquipiers qui me mettent dans les meilleures conditions ». Sens du placement et agressivité pour l’aspect récupération, jeu court, jeu long, vista et qualité de passe pour la construction, Damien Le Tallec semble appelé à devenir un élément-clé de l’entrejeu montpelliérain.
Une chose est sûre, le n°14 montpelliérain apprécie sa nouvelle aventure héraultaise. « J’ai toujours voulu jouer en L1 et découvrir ce championnat est un vrai plaisir. On entend beaucoup de conneries sur le championnat de France mais j’ai connu beaucoup de compétitions dans ma carrière et je trouve la Ligue 1 très intéressante. » Encore plus au sein d’une équipe qui enchaîne les bons résultats. « Notre début de saison est magnifique. Il y avait déjà de bonnes bases la saison passée et le club a fait un très bon recrutement. Il fallait simplement trouver l’alchimie et le coach a su le faire. La force de cette équipe c’est le mental, l’agressivité, le fait que tout le monde joue les uns pour les autres. Si on garde ça en tête, on peut aller très loin. » Le revers à Angers il y a 15 jours digéré - « Ça arrive, il faut passer à autre chose » - cap sur Rennes ce soir à La Mosson. Un rendez-vous forcément particulier pour Damien Le Tallec. « J’y ai passé 4 ans avec de très bons moments et d’autres plus difficiles. Je regrette qu’on ne m’y ait pas donné ma chance en pro mais cela venait sans doute plus des coachs en place que du club qui reste un très bon club avec de très bonnes personnes dont Patrick Rampillon (directeur du Centre de Formation breton à l’époque) qui a beaucoup fait pour moi. On sait que ce sera un match difficile mais, de toute façon, il n’y a pas de rencontre facile en L1 » De l’Ouest breton au Sud montpelliérain, en passant par l’Est du renouveau, la route de Damien Le Tallec a tout d’un beau roman passionnant à lire dont il lui reste encore beaucoup de pages à écrire.
