Savanier - Van den Boomen, face-à face des meneurs artilleurs

Véritables métronomes de leur équipe, le capitaine pailladin et son homologue néerlandais de Toulouse ont de nombreux points communs... Et quelques différences aussi. Décryptage.

Ils ont éclos en D2

Leur premier point commun est de s’être fait un nom loin de l’élite, en Ligue 2. Non conservé par le MHSC dans un premier temps, Téji Savanier a été relancé au sein de l’équipe réserve d’Arles-Avignon par Jean-Louis Saez, avant d’être durablement titularisé en Ligue 2 par Thierry Laurey. « Je me souviens d’un joueur très attachant, explique Fabien Lefèvre, qui était son éducateur en U15 au MHSC. C’était un pur bonheur, que ce soit dans l’état d’esprit ou le côté compétiteur… et en plus il avait la technique. À 15 ans il était au-dessus, il savait tout faire : transversales, jeu dans les petits espaces… il a bossé, il n’a pas lâché et il mérite d’être au niveau où il est aujourd’hui », estime l’actuel entraîneur adjoint du Paris FC, qui tient aussi à souligner un autre élément très important : « Quand je le vois aujourd’hui, je me dis qu’il n’a pas changé. Il est simple et adorable, et, dans le jeu, c’est le mec qui emmène le groupe avec lui. Ce que j’ai connu à 16 ans, il l’est toujours à 30 ans ».

Transféré ensuite à Nîmes, il a joué un rôle majeur dans la remontée du club gardois en multipliant les buts et les passes décisives lors de l’exercice 2017-2018. De son côté, s’il avait connu l’élite néerlandaise dans un premier temps, à Heerenveen puis à Willem II Tilburg, c’est en revenant en D2 hollandaise, dans son club formateur du FC Eindhoven, que Branco Van Den Boomen a littéralement explosé lors de l’exercice 2018-2019 avec 11 buts et 14 passes décisives (meilleur passeur du championnat) en 36 rencontres.

Une performance qu’il rééditera l’an passé en Ligue 2 française avec Toulouse, pendant que Téji, lui, faisait des étincelles en Ligue 1, puisqu’après avoir été sacré meilleur passeur de Ligue 1 à Nîmes dès sa première saison dans l’élite avec 13 offrandes, devant le Lillois Nicolas Pépé et le Parisien Angel Di Maria (11 passes décisives chacun), il est revenu au MHSC par la grande porte quelques semaines plus tard. « Ce sont deux joueurs qui se sont révélés en Ligue 2 et qui sont montés avec leur club », souligne Benjamin Nivet, ancien joueur de l’ESTAC avec lequel il est monté plusieurs fois dans l’élite et actuel consultant pour Prime Video. « Il y a souvent ce petit doute de savoir si un joueur qui brille en Ligue 2 passera le cap en Ligue 1, notamment pour les meneurs créatifs, c’était d’ailleurs mon cas. Mais la Ligue 2 est souvent un tremplin pour les jeunes joueurs ». Un doute lié aux joueurs de petits gabarits comme Téji ?  « Pas forcément, répond Nivet. Souvent lorsqu’on monte de Ligue 2 en Ligue 1, on joue dans les équipes qui dominent et, quand on passe en Ligue 1, on se retrouve à jouer le maintien, donc on a moins souvent le ballon et on est moins mis en lumière. Le niveau est meilleur, il n’y a rien à dire, tous les joueurs sont au-dessus physiquement, techniquement et tactiquement. Il y a des joueurs qui seront continuellement très bons en Ligue 2 mais qui n’arriveront jamais à passer le palier Ligue 1. Ce palier-là, Savanier et Van Den Boomen l’ont franchi largement, ils sont décisifs et performants dans l’élite ».

Multiple meilleur buteur de Ligue 2, l’ancien attaquant montpelliérain Robert Malm, aujourd’hui consultant beIN Sports insiste lui sur ce côté « formateur » du 2ème échelon hexagonal : « Aujourd’hui, un jeune qui est post-formation et qui, malheureusement, n’a pas beaucoup de temps de jeu avec l’équipe première est obligé de jouer en réserve… mais il vaut mieux qu’il se fasse prêter dans un club de Ligue 2, insiste-t-il. Beaucoup aujourd’hui ne veulent pas aller en L2 parce qu’ils pensent que c’est purgatoire… Or, des joueurs comme Branco et Téji sont la parfaite illustration qu’on peut s’épanouir en L2, monter en L1 et y obtenir quasiment les mêmes stats. Regardez ce qu’ils font dans l’élite aujourd’hui. On peut parfois critiquer la Ligue 2, la voir comme un championnat un peu rude mais elle est aussi très formatrice ».  

plaque tournante de leur équipe

Téji Savanier et Branco Van Den Boomen sont les véritables plaques tournantes de leur équipe. Les chiffres en témoignent puisqu’ils ont les plus gros totaux de leur formation en termes de passes longues réussies, l’une des grandes forces de leur jeu. « Leur influence sur le jeu de leur équipe est colossale. Tu as le Montpellier avec Savanier et le Montpellier sans Savanier, comme tu as un Toulouse avec et sans Van Den Boomen, assure Robert Malm. Ce sont des garçons qui ont peut-être un peu débuté sur le tard dans l’élite mais qui sont aujourd’hui incontournables. Quand tu fais ta compo, tu les coches en premier et tu construis l’équipe autour d’eux après ». « Outre leur talent individuel, ce sont deux joueurs qui ont une grosse influence par leur positionnement au coeur du jeu, ajoute Benjamin Nivet. Ce sont deux leaders techniques. De plus, par leur attitude sur le terrain. Ils emmènent leurs coéquipiers avec eux grâce à un certain leadership ».

L’art de la passe longue

Les deux ont un jeu long assez exceptionnel. « Franchement Branco Van Den Boomen est très bon mais quand j’ai vu Téji, il est exceptionnel avec le ballon. C’est très difficile de comparer les deux, explique Issiaga Sylla, qui a évolué avec les deux joueurs à Toulouse puis à Montpellier. Les deux ont des pieds magiques, ‘’VDB’’ peut faire la différence à n’importe quel moment par sa qualité de passe et il ne faut pas lui laisser d’espaces. Si tu le laisses tout seul, il va te mettre en difficulté à chaque fois ».

« Ce sont deux joueurs qui me plaisent par rapport à leurs qualités techniques, qui sont les éléments moteurs et les dépositaires du jeu de leur formation respective, grâce à une qualité technique au-dessus de la moyenne, poursuit Benjamin Nivet. Il existe un Montpellier avec et sans Savanier et un Toulouse avec et sans Van Den Boomen, je pense encore plus à Montpellier, puisqu’il me semble que Téji Savanier a une plus grosse influence sur le jeu que Van Den Boomen. Leurs points communs sont leurs qualités de jeu long, de passes et donc leur qualité technique. Ils ont tous les deux un gros volume de jeu et récupèrent des ballons ».
« C’est un duel de deux grands techniciens, estime Robert Malm. Ils ont certaines similitudes dans le jeu sur le plan technique. Ce sont des garçons qui ont une super vision du jeu. Savanier peut changer le jeu comme il le souhaite, d’où il veut, de n’importe quel côté du terrain et Van Den Boomen est aussi capable de le faire. Je pense que l’avantage qu’à Téji est qu’il peut être un peu plus buteur ».

Un positionnement différent, Téji plus dans le dribble

Au rayon des différences entre les deux joueurs justement, la première réside dans le système de jeu dans lequel ils évoluent : « Téji est capable de jouer plus haut sur le terrain que Van Den Boomen qui est davantage relayeur dans un système avec un 6 et deux 8, là où Teji joue 10 derrière un double pivot, ce qui lui donne beaucoup de liberté pour récupérer les ballons et notamment bas, pour organiser le jeu, souligne Nivet. Outre cet aspect tactique, leur différence majeure réside à mon sens dans le fait que Savanier est plus capable de coups de génie que Van Den Boomen. Téji réalise des gestes incroyables ». 

« Pour l’avoir connu puisque j’ai porté le maillot du MHSC – même si c’était à une époque compliquée pour le club – c’est qu’il a l’esprit pailladin, c’est-à-dire qu’il n’hésite pas à aller au duel, estime Robert Malm. Il doit parfois apprendre à se canaliser pour ne plus se faire expulser, mais on ne peut pas lui enlever sa qualité. Teji a beaucoup de caractère, il est sanguin, là où Branco l’est un peu moins. Teji est un volcan, on met une allumette ça peut vite partir mais il ne faut surtout pas lui enlever, c’est ce qui fait sa force ». Preuve à l’appui, Téji est d’ailleurs le joueur montpelliérain qui a réussi le plus de dribbles depuis le début de la saison (49), celui qui réussi le plus de tacles (42), remporté le plus de duels (166) et le joueur pailladin sur lequel a été commis le plus de fautes (73, plus gros total du championnat).

Auteur de 10 buts en 51 matchs sous le maillot du MHSC entre juin 2007 et décembre 2008, Robert Malm insiste aussi sur le côté plus dribbleur de Téji « Il est capable d’attaquer l’adversaire balle au pied, de venir s’imposer dans des duels, éliminer l’adversaire. Téji est capable de marquer des buts de n’importe quelle position. Branco, par contre, est un garçon qui délivre des ballons, des passes décisives, comme il en a envie. Ce n’est pas un pied qu’il a mais une main. Donc pour moi la différence se fait là. Je parle peut-être comme un ancien attaquant mais l’un me semble plus buteur que l’autre ».

Benjamin Nivet va dans le même sens : « Savanier peut faire un ou deux dribbles et trouver la frappe ensuite, là où Van Den Boomen marque plus quand il arrive en deuxième rideau. Disons que ce sont deux joueurs décisifs, VDB un peu plus par la passe et Téji davantage sur un côté buteur ». 
« Branco est plus dans la passe tandis que Téji est plus dans le dribble, appuie Issiaga Sylla. Cela vient aussi du fait que, comme dit précédemment, Branco évolue plus bas sur le terrain. Je ne le connaissais pas, mais quand je l’ai vu je me suis dit « c’est quoi ce pied ? “Il te met le ballon là où tu veux’’. Téji c’est un peu différent puisqu’il joue 10, donc un peu plus haut. Il fait moins de transversales, tandis que VDB c’est son jeu à 90%, il ne dribble pas ».

« Ce sont deux joueurs exceptionnels avec le ballon, ce n’est pas un secret », analyse Fabien Lefèvre qui a affronté Van Den Boomen la saison passée avec le Paris FC « La différence va se faire sur l’aspect influence par rapport à l’équipe. Les deux sont une influence technique mais Téji me semble avoir une influence en plus sur ses coéquipiers, notamment en termes d’état d’esprit. Sur ce que j’ai vu notamment lors du match Auxerre-Montpellier. Van Den Boomen est un très bon joueur mais un garçon comme Téji est capable de retourner un match lorsqu’on pense qu’il nous échappe, dans le jeu, mais aussi sur l’aspect mental de sa propre équipe ».

L’art des coups de pied arrêtés

Dernier aspect en commun, celui des coups de pied arrêtés où les deux joueurs se montrent ultra décisifs (voir tableau ci-dessus) « Quand tu as deux garçons comme ça dans ton équipe, c’est extraordinaire, à la fois pour la qualité du jeu, mais aussi parce qu’ils te rapportent des points, en particulier sur coups de pied arrêtés, explique le consultant beIN Sports Robert Malm. Branco vise une zone où les réceptionneurs doivent être présents. Téji a pour sa part inscrit des coups-francs très importants ». Benjamin Nivet ajoute : « C’est un point commun, mais avec deux styles différents. Van Den Boomen est plus un joueur qui va enrouler sa balle tandis que Savanier va plus la fouetter, ce qui donne un ballon un peu plus flottant. Les deux ont beaucoup d’efficacité dans ce domaine. »

Le match du jour contre Toulouse

Au moment d’évoquer la rencontre du jour, Benjamin Nivet s’attend à : « un match ouvert, car maintenant les Montpelliérains sont pratiquement maintenus. Ils sont sur une très belle dynamique, ils marquent beaucoup de buts. Le TFC est maintenu aussi donc ce sont deux belles équipes, très offensives et avec beaucoup de qualités dans le jeu, qui vont s’affronter sans pression. Ça promet ! » Une vision de « match ouvert », partagée par Robert Malm qui évoque aussi. « Une rencontre avec du jeu car ce sont deux équipes qui aiment jouer, aller vers l’avant, dirigées par deux entraîneurs que je connais bien (Michel Der Zakarian et Philippe Montanier) qui ont beaucoup gagné dans leur carrière. Je serai très attentif à cette rencontre. Ça peut être un joli match pour ces deux équipes-là. Quant à ce match dans le match entre Téji Savanier et Branco Van Den Boomen, il ne faut pas oublier non plus que ce sont deux joueurs qui ont la confiance totale du club. Cela te donne deux garçons qui sont plus qu’importants pour leur équipe… et même si personne n’est irremplaçable, eux le sont pratiquement ».

*un grand merci aux consultants qui ont participé à cette interview

**toutes les statistiques Opta contenues dans ce dossier ont été arrêtées au soir de la 28ème journée