Auteur de 3 buts sur ses 7 premières apparitions en pros, le jeune attaquant de 18 ans a effectué des débuts tonitruants. Suffisant pour créer une certaine effervescence autour de lui, mais pas pour le faire dévier de la route qu’il souhaite tracer, entre talent, travail, joie de vivre et plaisir d’être là.
Il n'est pas le premier joueur de l'histoire du club dont on entend parler en bien par ses formateurs, au détour des terrains d'entraînement de Grammont… Pas le premier non plus, affublé de l'étiquette de grand espoir du Centre de Formation. Il aurait donc pu être ce jeune de plus qu’on lance quelques minutes en fin de match pour le voir et dont on n’entend plus parler ensuite, mais Elye Wahi semble être bien plus que cela.
Au départ, son histoire est pourtant assez classique et démarre par le visage d'un gamin qui rêve simplement de ballon. Né à Évry-Courcouronnes, dans l’Essonne, le jeune Elye a commencé le foot à 6 ans sous l’œil bienveillant de sa mère et de sa petite sœur. Passé par la JS Suresnes, il rejoint ensuite le Stade Malherbe de Caen à l’âge de 13 ans avant d’y connaitre un premier écueil puisqu’il en est écarté pour un souci scolaire 2 ans plus tard par un certain Francis de Taddeo, alors directeur du Centre de Formation caennais. Occupant désormais les mêmes fonctions au MHSC, l’ancien coach du FC Metz ne l'oublie pas pour autant et choisit de lui donner une seconde chance en lui proposant de rejoindre le Domaine de Grammont durant l'été 2018 : « C'était une erreur de jeunesse, plaide Elye en toute sincérité. Je remercie M. De Taddéo de m'avoir donné une seconde chance. S'il ne m'avait pas repris, je ne vivrais pas ce que je vis aujourd'hui. C'est quelqu'un qui compte beaucoup pour moi et si je suis professionnel aujourd'hui, c'est en partie grâce à lui. » Soucieux de ne pas laisser passer cette opportunité, Elye est quasiment tout le temps surclassé chez les jeunes et entre même en jeu le 13 mars 2019 lors du déplacement des U19 pailladins à Chelsea en Youth League alors qu’il a à peine 16 ans. S'il ne parvient pas à infléchir le score ce jour-là, cet attaquant à la fois rapide et bon finisseur, empile les buts dans les catégories de jeunes… mais encore fallait-il confirmer au haut niveau car, si c'est un bon début, marquer chez les jeunes n'a jamais assuré d'une carrière pro.
En bon formateur qu’il est (il a notamment dirigé l'équipe réserve du MHSC avec succès au milieu des années 2000 et a lancé de nombreux jeunes joueurs dans les clubs où il est passé), l'entraîneur montpelliérain Michel Der Zakarian le surveille du coin de l'oeil mais ne souhaite pas le ‘’cramer’’ en l'exposant trop vite. Après plusieurs apparitions dans le groupe, il finit par lui offrir ses premières minutes avec l'équipe fanion, le 16 décembre dernier lors de la réception du FC Metz. « C’était une fierté de fouler pour la première fois une pelouse de Ligue 1. Ça m'a fait plaisir de rendre fière ma mère, se souvient Elye. J'étais très content et, une fois sur le terrain, je ne me suis pas posé de question. » Entré ensuite quelques minutes contre Lille, sa carrière connaît un brutal coup d'accélérateur le 15 janvier dernier lors de la venue de Monaco à La Mosson. Entré peu avant l’heure de jeu, il marque un peu moins de 10 minutes plus tard son premier but chez les professionnels en reprenant victorieusement un centre d’Andy Delort. « Le ballon circulait bien sur le côté, raconte celui qui portait alors le n°33. Junior (Sambia) décale Andy (Delort) qui centre. De mon côté, je suis au second poteau et ma reprise finit au fond. Comme vous avez pu le voir sur les images, j’étais très heureux et je suis parti célébrer le but... »
Un sourire illumine instantanément son visage lorsqu’il repense à ce moment. Les projecteurs se braquent une première fois sur ce gamin qui venait d'avoir 18 ans (il les a fêté le 2 janvier dernier), avant de le remettre en pleine lumière 15 jours plus tard lorsqu’il marque à nouveau contre Lens à La Mosson d’un magnifique retourné acrobatique : « Je ne saurai pas comment vous décrire ce but, assure cet admirateur de Didier Drogba, avec lequel il partage des origines ivoiriennes. C'est de l'instinct, tout simplement. Je l'ai senti comme ça et j'ai tenté le geste. » Un geste magnifique qui résume assez le jeu si spécial du jeune attaquant, capable de faire parler sa vitesse, de dribbler, mais aussi et surtout de bien se situer et de s’intercaler dans le bon espace, au bon endroit, au bon moment. « La manière de se déplacer est un aspect que je regarde toujours dans le jeu d'un attaquant, explique Elye Wahi. C'est quelque chose d'important. »
Une réflexion qui montre bien la qualité et la maturité précoce du jeune homme, tout autant qu’elle explique pourquoi Elye est un joueur différent. Si, comme de nombreux attaquants modernes, il possède des qualités de vitesse et de percussion, il essaie de s’en servir à bon escient et ne l’utilise pas en partant en sprint, tête baissée à la première occasion. Son petit numéro de passes redoublées sur le côté avec Téji Savanier il y a 15 jours contre Dijon, alors que le MHSC avait besoin de récupérer après un temps fort, est là pour en attester. « En jeunes je dribblais pour dribbler, pour me faire plaisir aussi mais là, il n’y a plus de temps pour faire de chichi (sourires) ; c'est l'efficacité qui compte avant tout, explique le jeune attaquant montpelliérain, qui a fêté sa 1ère titularisation mercredi dernier en Coupe de France à Strasbourg. J’ai une bonne pointe de vitesse, je percute assez bien aussi et, devant le but, j’essaie d'être le plus ‘’tueur’’ possible. En revanche, je dois progresser dans beaucoup de secteurs et notamment celui des retours défensifs. C'est plus compliqué pour moi de ce point de vue-là mais j’y travaille. La plus grande différence quand on arrive chez les pros ? Il y a beaucoup plus d'intensité. Dans le jeu, c'est plus propre techniquement, au niveau des passes aussi. »
Cet après-midi-là face aux Bourguignons, il s’en est même fallu d’un rien pour qu’Elye n’inscrive son 3e but en Ligue 1, ce qui aurait été la plus belle des manières de fêter sa prolongation de contrat avec le MHSC, paraphée quelques jours plus tôt. « Montpellier est le club qui m'a permis d'effectuer mes débuts en Ligue 1, donc c'était normal que je continue l'aventure ici. Ça me fait plaisir et je remercie le Président, les dirigeants et le coach pour leur confiance, sourit Elye. Concernant mon but refusé contre Dijon, cela montre que je dois encore faire plus attention à mes déplacements pour ne pas être hors-jeu. Je dois travailler pour que la prochaine fois, ce genre de but soit validé. »
Ce n’était que partie remise. Devenu, à 18 ans et 1 mois, le 2e plus jeune joueur de l’histoire du MHSC à afficher 2 buts en Ligue 1 après Abdoulaye Cissé à 17 ans et 11 mois en 2001, Elye Wahi n’aura pas attendu bien longtemps pour inscrire son 3e but dans l’élite : samedi dernier à Lyon, c’est lui qui a offert le but de la victoire à son équipe sur la pelouse du Groupama Stadium à Lyon : « On était bien dans le jeu et marquer ce 2e but était un vrai plus pour l’équipe ; c’est le plus important, souligne celui qui porte désormais le maillot floqué du n°21. C’est vrai qu’en ce moment je sens plutôt bien les coups (sourire). Quand je vois le ballon de Téji partir, je me dis qu’il faut que je sois là si le ballon traine. Sans savoir pourquoi, j’étais sûr qu’il allait revenir sur moi et j’arrive à le pousser au fond… »
Elye sait aussi que le plus dur l’attend désormais : confirmer. Mais ne comptez pas sur lui pour s’enflammer, il l’assure : « C'est vrai que ça va un peu vite pour moi ces derniers temps, je ne vais pas dire le contraire mais je sais qu’il me reste encore beaucoup de travail à accomplir. Je suis bien entouré, mes amis savent me remettre la tête à l’endroit quand il le faut. Je sais d'où je viens. Je resterai toujours le même ; ceux qui me connaissent le savent » explique-t-il. « Je tiens à remercier mes coéquipiers et le staff qui m’ont très bien accueilli dans le groupe. Ils ont tout fait pour me mettre très à l'aise. Tout se passe bien. »
S’il évoque ses objectifs avec détermination – « continuer à jouer des matchs, être performant, aider l'équipe au maximum et gagner ma place petit à petit mais, pour cela, je dois continuer à travailler. Avec le temps et le travail, tout va venir. » – Elye Wahi n’en garde pas moins son sourire indéniablement figé sur son visage : celui d’un gamin qui vit son rêve d’être désormais footballeur professionnel. « J’ai toujours voulu garder le sourire et avoir une certaine joie de vivre », rigole celui qui avoue être « plutôt moments en famille et entre amis que soirées Playstation ». En creusant un peu, il nous avoue timidement aimer danser. On comprend mieux le choix de sa chanson de bizutage, 1er Gaou de Magic System, entonnée devant ses coéquipiers lors de sa première avec le groupe pro, comme le veut la tradition. Dans un large sourire, il nous avait d’ailleurs promis quelques jours avant le match à Lyon de danser le coupé-décalé pour fêter son prochain but. Il est arrivé plus vite que prévu au Groupama Stadium et le garçon a tenu sa promesse, comme un grand ! On remet ça dimanche contre Rennes ?
