Il y a 18 ans, l’ancien attaquant portugais du MHSC avait marqué lors du derby, à l’aller et (presque) au retour. Il raconte…
Ah, c’est fou ce qu’un téléphone peut rapprocher les gens. ‘‘Connecting people’’ disait une célèbre marque nordique de portables dans les années 90. A l’autre bout du fil, la voix de Rui Pataca est toujours aussi joviale et bienveillante, et, sans avoir l’image, on devine que son sourire qu’il a tant porté sur les terrains, illumine toujours autant son visage. Un portable, ça peut rappeler des souvenirs aussi. N’est-ce pas Rui? L’ancien attaquant portugais rigole. Il faut dire qu’un certain commentaire de but lui a longtemps servi de sonnerie de portable « C’était mon but contre Nîmes au retour il y a 10 ans, commenté par Philippe Sers. Un supporter du MHSC l’avait isolé et me l’avait envoyé donc, quand mon téléphone sonnait… ». Devenu Directeur Sportif, Administratif et Technique de Créteil (National 2) depuis cet été, après avoir joué et occupé le poste d’entraîneur adjoint du club puis dirigé l’équipe fanion de Rodez et occupé un poste de consultant télé au Portugal, Rui n’a évidemment plus la même sonnerie, nouvelles fonctions obligent ; mais les souvenirs du derby, eux, sont restés, comme indélébiles. « À l’époque (au début de la saison 2000-2001), j’ai tout de suite senti qu’il y avait beaucoup d’enjeu autour de ce match. Les supporters nous en avaient parlé avant même le début de la saison. J’ai bien vu que c’était un derby très chaud. »
Et il n’a pas mis longtemps à arriver. Dès la 3e journée avec un déplacement aux Costières. A l’époque, le MHSC venait de descendre en D2 à la surprise générale, à l’issue d’une saison de poisse. En face, Nîmes avait recruté du lourd avec Bathenay sur le banc : Rizzetto, Brouard, Mickaël Pagis n’était pas encore parti à Sochaux (il le fera quelques semaines plus tard)... Lancé dans une opération remontée immédiate, le MHSC totalisait deux victoires en deux matchs, mais le coach héraultais, Michel Mézy, blouson de cuir sur le dos et regard fixé vers son objectif, savait très bien que ce match de la fin du mois d’août constituait le 1er tournant de la saison. « Le club avait tout fait pour nous mettre dans les meilleures conditions et avait choisi de garder de très bons joueurs malgré la descente comme Silvestre, Sorlin, Maoulida, Barbosa, Fabien Lefèvre était revenu aussi, raconte Rui Pataca. En début de saison on s’était tous mis d’accord pour faire remonter le club de suite et ne pas rester en D2. Ça a été dur mais on a rien lâché on sait à quel point c’est dur de remonter après une descente. »
Titulaire à la pointe de l’attaque héraultaise, Rui Pataca se bat dans un début de match très rude où personne ne se laisse dominer, mais il ne sait pas encore qu’il va entrer dans l’histoire des Derbies. Dès la 20e minute, il ouvre le score en reprenant victorieusement une frappe repoussée par la barre signée Fabien Lefèvre. Rapidement réduits à dix après l’expulsion de Francis Llacer (55e), les Montpelliérains allaient pourtant réussir à tenir le score et même à doubler la mise en fin de match par Toifilou Maoulida (87e) pour finalement s’imposer dans le Gard. Un 2e but que Rui, sorti à l’heure de jeu (58e) a savouré depuis le banc. « J’étais très heureux d’avoir marqué mais après ma sortie prématurée j’étais forcément déçu. Francis s’était fait expulser, j’avais un jaune et j’étais à la limite car le combat était rude… Michel (Mézy) a sans doute voulu me protéger et protéger l’équipe. L’essentiel c’est que nous ayons gagné. »
Au retour, le 30 novembre 2000 (21e journée), le MHSC est 4e et Nîmes 10e au coup d’envoi. Les Gardois ouvrent même la marque sur un but de Tchato contre son camp (19e), avant que Sorlin, puis Maoulida ne renversent le score juste avant la pause (44e et 45e). Le club montpelliérain vire donc en tête à la pause dans une ambiance de liesse (2-1). En seconde période, les Héraultais maîtrisent globalement leur sujet et Rui Pataca, sorti du banc à la 80e inscrit même le 3e but montpelliérain en toute fin de match (avant que la Ligue attribue le but au Nîmois Vosalho contre son camp après que ce dernier ait légèrement contré le ballon). « Les joueurs qui m’ont connu savent que, pour moi, c’est le groupe qui compte. Il ne faut pas se voir comme un remplaçant mais comme quelqu’un qui fait partie du groupe. Au retour je n’étais pas titulaire c’est vrai mais je n’avais qu’une idée en tête que l’équipe gagne et que si j’avais l’opportunité de rentrer je donnerai le maximum pour marquer… et c’est ce qui s’est passé comme cela a été le cas contre le PSG quelques années plus tard (victoire 3-2 en 2004 à La Mosson). Il est certain que j’avais des lacunes au niveau technique mais personne ne peut me reprocher quoi que ce soit au niveau de l’engagement. Je donnais tout sur le terrain. » Un esprit de combat qui en a fait un des chouchous des supporters montpelliérains – « Il s’est créé un lien particulier cette année-là entre eux et nous les joueurs de la montée. Ils ont toujours été adorables avec moi, y compris lorsque je suis revenu avec Créteil » - et dont les joueurs pailladins d’aujourd’hui devront s’inspirer pour remporter le derby de dimanche. « L’ambiance aux Costières est un peu particulière car les supporters sont proches du terrain donc tu sens tout de suite que c’est chaud. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les Nîmois ont battu l’OM cette année. C’est vrai que c’est difficile d’aller jouer chez eux. Maintenant, le match de ce soir est à La Mosson, chez nous, donc ce sera à nous de mettre notre jeu en place et de se donner les moyens pour remporter ce match. »
Un conseil Rui ? « Pour moi, le secret c’est de saisir l’enjeu, de bien comprendre que c’est un derby du Sud et que ce match tient à cœur à toute une ville, à tout un club et à ses supporters. Après une fois que tu as senti ça, tout en restant calme et en gardant tes nerfs bien sûr, tu dois laisser tes tripes sur le terrain. Il ne faut pas subir l’événement mais s’engager à fond et tout donner sur le terrain, sans compter ses efforts pour marquer mais aussi pour défendre, se replacer. C’est une chance de jouer ce genre de match que tu sois titulaire ou remplaçant au coup d’envoi. »
Pleinement engagé dans son rôle de dirigeant de l’US Créteil Lusitanos – « le club essaie de repartir de l’avant car depuis trois ans c’est un petit peu difficile. De mon côté, je suis en relation avec le terrain en même temps, je touche un petit peu à tout, y compris au niveau administratif au niveau des contrats, j’apprends et ça me plaît beaucoup. » - Rui ne sait pas encore s’il assistera à la rencontre mais il suit attentivement l’actualité du MHSC. « Je suis toujours supporter de MHSC. J’ai eu une grande tristesse quand le Président est parti. Laurent a bien pris le relais et on sent toujours cette identité forte qui est la base de ce club. Sur le terrain, Michel Der Zakarian a bâti une équipe cohérente et a vraiment fait du bon boulot. » Double-buteur dans le Derby il y a 18 ans, Rui Pataca porte, pour conclure un regard ému sur son aventure montpelliéraine. « C’est le 1er club que j’ai connu en France Il y a eu des moments où j’ai joué, d’autres moins mais je me suis régalé ici. Il y règne une ambiance familiale et quelque chose de particulier qui fait que tu te sens chez toi et que tu as envie de te battre pour le club qui reste d’ailleurs mon club de cœur. D’ailleurs, quand je parle de Montpellier, je dis toujours ‘’nous’’. » Dimanche après-midi, Rui suivra donc ce match à distance en attendant que son portable sonne pour lui indiquer un but montpelliérain. Pas le sien mais ceux de la victoire montpelliéraine. En tout cas c’est tout ce qu’il souhaite. Nous aussi…
