Au fil d’une trajectoire escarpée, le nouveau latéral montpelliérain a dû faire preuve de beaucoup de courage et de ténacité pour trouver sa place dans le football professionnel. Un bel exemple à découvrir sans modération.
Il y a des regards qui en disent bien plus que de longs discours. Celui qui sort des yeux bleus de Ruben Aguilar laisse transpirer tout le bonheur de ce jeune homme de 24 ans d’évoluer au MHSC depuis cet été en même temps que tout la détermination qu’il a dû mettre pour arriver jusque-là. Il faut dire que ce gamin de Grenoble, né d’une mère française et d’un père espagnol et 3e d’une fratrie de 4 frères a bien cru ne jamais connaitre le monde pro. Après avoir rejoint la pré-formation du Grenoble Foot 38 à 13 ans puis le Centre de Formation 2 ans plus tard où il a été trois ans aspirant, Ruben a été victime du dépôt de bilan du club isérois en 2011. Parti ensuite à Saint-Étienne, il y a évolué avec la réserve sans être conservé au bout de ses 2 saisons de contrat. Quelques mois de chômage puis retour à la case départ, à Grenoble, où il a joué dans un premier temps 4 mois avec la réserve en DHR avant de se faire une place dans l’équipe fanion, alors en CFA. « A cette époque, j’avais un peu fait une croix sur le football professionnel, reconnait-il. Je voulais juste gagner mon pain en retrouvant un club amateur. Dans ces moments durs, j’ai eu la chance d’être très bien entouré par ma famille et ma copine qui m’ont beaucoup soutenu. » Et puis la chance a tourné. Lors du dernier match de la saison, Grenoble se déplace à Martigues. L’entraîneur bourguignon d’alors, Jean-Luc Vannuchi, séduit par son profil, le repère et lui propose de le rejoindre à l’AJ Auxerre. Cette fois, le monde pro lui tend les bras. « J’avais toujours ce petit espoir dans un coin de ma tête mais je pensais que ce n’était plus pour moi, alors forcément, j’étais profondément heureux. »
à un moment donné, j’avais un peu fait une croix sur le foot pro
Dès lors, ne comptez pas sur cette boule de nerfs de 1m72 – « Je me suis calmé là-dessus, sourit-il timidement. Avant j’étais beaucoup plus impulsif ; d’ailleurs à Auxerre j’avais pris un rouge au bout de deux matchs » – pour laisser passer sa chance. En Bourgogne, ce latéral droit fan du Réal Madrid et de Dani Carvajal – « J’ai lu qu’il avait un problème cardiaque et j’espère que ça va s’arranger pour lui. J’adore regarder ces matchs, c’est un combattant qui va au charbon » – s’est imposé comme un taulier de l’AJA et a réalisé 3 saisons pleines avec en prime une finale de Coupe de France perdue contre le PSG au Stade de France (2015). Grinta, volonté, agressivité, qualité technique et régularité, autant de qualités qui ont séduit le MHSC qu’il a rejoint cet été. « Le club m’a rapidement fait part de son intérêt et j’ai eu un bon feeling avec les dirigeants, avoue-t-il. C’est un club familial, qui a une histoire et qui mouille de maillot ce qui me correspond bien. Je me voyais vraiment venir ici. »
Souvent mis à toutes les sauces par des personnes qui s’imaginent montpelliéraines alors qu’ils sont là depuis 4 matins, l’Esprit Paillade correspond en effet pleinement à la mentalité et au jeu de Ruben Aguilar. Hargneux défensivement, le nouveau latéral droit montpelliérain (qui peut également dépanner à gauche), multiplie aussi les aller-retours pour apporter un plus offensivement, ce qui fait de lui un joueur complet et une des révélations du début de saison héraultais. Ses performances impressionnantes lors des derniers matchs contre le PSG, Monaco, Nice et Saint-Etienne sont là pour en attester. « Je suis défenseur avant tout, j’aime défendre, bosser et aller au combat, explique-t-il au moment de détailler son jeu. Aujourd’hui, on demande beaucoup aux latéraux : être concentrés défensivement mais aussi apporter ce petit plus offensivement. C’est dans ce côté tranchant offensivement que je dois le plus progresser. De toute façon, je dois progresser partout d’ailleurs. Je n’ai fait que 4 matchs en L1 donc j’ai encore tout à prouver. J’ai encore énormément de chose à apprendre »
Collectivement, le MHSC reste en tout cas sur une belle série de 4 matchs sans défaites dont deux nuls aussi héroïques qu’inattendus face au PSG et à Monaco. Deux rencontres où Ruben a su se montrer à son avantage et qui témoignent également d’un certain renouveau sur le plan collectif. « C’est dommage car nous avons une série de matchs à notre portée en début de saison et où nous aurions dû prendre plus de points que ça et paradoxalement, nous en avons pris contre le PSG et Monaco. Ces deux-là nous ont fait beaucoup de bien et nous avons pu enchaîner ensuite par un beau succès à domicile contre Nice. Désormais, il faut confirmer ces belles performances et essayer de se maintenir le plus vite possible pour pouvoir jouer plus tranquillement… mais je pense que l’on peut réaliser de belles choses que ce soit en championnat ou en Coupe. » Ses deux dernières prestations pleines contre les deux premiers du dernier championnat ont également attisé les regards de la sélection bolivienne… Un fait surprenant que Ruben explique avec le sourire. « Je n’ai pas eu directement quelqu’un de la fédération bolivienne. A la base, cela vient du jeu vidéo football manager où ils m’ont mis la nationalité bolivienne. J’avais déjà reçu une demande à Auxerre et j’avais dit que je ne pouvais pas puisque ma mère est française et mon père espagnol. Je recevais de temps en temps des commentaires sur une ou deux photos et cela s’est accumulé après le match du PSG. Ça fait plaisir mais je n’ai pas d’origines boliviennes et j’ai dû faire un communiqué sur ma page officielle pour expliquer cela. » En attendant d’avoir peut-être une carrière internationale, Ruben se concentre donc sur la découverte de la Ligue 1 Conforama qu’il pensait encore inaccessible il n’y a pas si longtemps : « La Ligue 1 est plus médiatisée, dans le jeu, ça va plus vite, il faut être beaucoup plus concentré, tu n’as pas le droit de te relâcher car si tu as le moindre moment d’inattention, tu ne revois plus ton adversaire», étaye le défenseur montpelliérain qui « aime passer du temps en famille » et apprécie les choses simples comme « aller manger au resto de temps en temps, me promener au bord de la mer, aller au cinéma et jouer un peu à la console à mes heures perdues ».
Revenu des méandres du football français à force de travail et de ténacité, Ruben Aguilar est en tout cas un exemple pour bon nombre de joueurs qui, après trois bons matchs et sur les conseils intéressés de certains s’imaginent déjà tout connaître et tout savoir. Vu son parcours, il sait mieux que quiconque qu’en football, vous pouvez vous retrouver aussi vite en haut de l’affiche qu’à devoir sortir le pinceau pour coller celles des autres le lendemain… Alors Ruben profite simplement de l’instant présent avec cette soif d’apprendre qui fait l’apanage des futurs grands. « Je prends du plaisir au quotidien et j’ai hâte de continuer à apprendre et à progresser, tout en donnant le maximum, tout simplement. » Prochaine étape samedi soir face à Rennes : toujours avec le regard émerveillé et déterminé face à sa nouvelle vie, mais tout en gardant les pieds sur terre. L’apanage des futurs grands…
